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Chapitre 1 d’Ensablée disponible en lecture gratuite

La marée haute, c’est une armure étincelante qui se fendille à marée basse…

Tout est tranquille. C’est une matinée parfaite. Parfaite, la douceur du soleil sur la peau, parfaite la brise légère venant du large, parfaites les vagues ourlées d’écume. Des enfants courent sur la plage infinie. Au loin, des chiens… une nuée de mouettes… Tableau idyllique…

Là-haut, près du ciel, dans la chaleur du sable soyeux, une personne s’est endormie aux creux des dunes blondes. Bercée par le calme absolu, elle a bien essayé de garder les yeux ouverts, de résister à l’appel du sommeil, mais rien n’y fait… A l’abri des regards, elle s’abandonne dans les bras de Morphée. Vaincue… Peu à peu, ses membres contractés se relâchent. Apaisé, son visage aux traits tirés se détend. Son souffle allégé, lentement ralentit. Encore une minute et elle sera bien… Encore une minute et …

Maintenant… Ça y est…

Elle est morte.

Ensablée - Chapitre 1

J’habite ici. Dans cette petite ville côtière de douze mille habitants qui voit doubler sa population lors des vacances scolaires et des longs week-ends ensoleillés.

Ici où chaque jour, la marée haute triomphe du littoral et lui fait perdre une cinquantaine de mètres.

Ici où chaque jour, la marée basse vaincue se retire et dessine sur un sol collant et épais des ondulations étranges et sinueuses. Compact et humide au bord de l’eau, incroyablement fin et doux en bord de plage, le sable blond file entre les doigts tels de petits serpents jaunes et recouvre sous la poussée du vent les escaliers en pierre bleue. Monde minéral et organique. Arriver jusqu’à l’eau se mérite, il faut avancer, longtemps et ne pas avoir peur de mouiller ses pieds et ses bas de pantalon, franchir d’un bond un bras de mer improvisé dans le creux d’une cuvette, marcher sur le lit pointu des coquillages brisés par un courant immuable. Et enfin au bord de l’eau, courir avec les filles derrière les mouettes.

– C’est pas des mouettes, c’est des goélands, corrige Emma du haut de ses dix ans.

– Oui, maman, des goélands, confirme Lily qui est toujours d’accord avec sa grande soeur.

Ok, va pour les goélands ! Alors que les oiseaux s’envolent paresseusement pour atterrir quelques mètres plus loin, les filles, les joues en feu, les pourchassent en poussant des cris aigus.

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– Maman, viens voir, je coule ! Les cheveux décoiffés par le vent, les yeux brillants d’excitation, Lily montre ses pieds minuscules. Ils disparaissent lentement dans le sable mouillé.

Emma hurle.

– Attention Lily, tu es dans les sables mouvants.

Lily frémit de peur anticipée et se tortille nerveusement.

– Tu ne dois pas bouger, sinon tu vas t’enfoncer !

Lily se fige instantanément.

– Attends, je te lance une corde, tiens, attrape !

Lily, suffocante, agrippe un bout de bois que sa soeur, généreuse, lui tend. Elle s’extirpe avec difficulté du piège qui a failli se refermer sur elle et s’enfuit, légère, zigzagant à la poursuite de son aînée. Emma s’est arrêtée pour admirer un crabe habillé de gris aux pinces zébrées, caché dans dix centimètres d’eau. Elle le pêche d’une main experte et le fourre sous le nez de sa petite soeur qui n’écoutant que son courage vient cacher son visage contre mes jambes en me serrant fermement. Je les regarde amusée. Moi qui n’ai pas la chance d’avoir des frères et soeurs, je suis heureuse de cette complicité qui les unit. Je sais qu’il faut en profiter, vite. Je regrette déjà le temps pas si lointain où Franklin nous accompagnait poussant des cris de sioux, escaladant à toute allure les brise-lames rendus glissants par les algues vertes, faisant la course avec un ballon, un chien, un cerf-volant, les uns et les autres atterrissant immanquablement dans les eaux froides de la mer du Nord. Franklin a maintenant treize ans. Ce qui signifie – et tous les parents concernés le confirmeront – qu’il faut s’habituer à vivre avec un enfant devenu brusquement sourd et aveugle au monde des adultes. Race étrange que celle des adolescents qui oscillent sans raison entre apathie et euphorie.

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Qui sont capables de vous défoncer une porte le matin et de dormir avec leur doudou le soir.

Il y a sept ans que nous habitons ici, au bord de l’eau. Sept ans que je vis avec celui que j’aime et que j’aimerai toujours, Tom Williams, le papa d’Emma. Sept ans que je mesure chaque jour la chance que j’ai eue de les rencontrer. Comme Emma le dit si bien en articulant exagérément, on forme une famille re-com-po-sée. Je me souviens d’elle la première fois où je l’ai vue, elle avait trois ans et minuscule dans les bras de son père, elle m’observait, ses yeux plantés dans les miens, petit juge sévère s’interrogeant sur ma capacité à tenir le rôle difficile de mère de substitution. J’étais comme elle, emplie de doutes, je ne savais pas si je pouvais être à la hauteur d’autant d’attentes mais l’amour fou qui me liait à Tom avait balayé toutes mes incertitudes. Cette rencontre avait donné un nouvel éclat à ma vie, ravivé une existence qui manquait singulièrement de couleurs. A cette époque, j’élevais seule mon petit garçon de six ans et étais plutôt méfiante envers la gent masculine. Lorsque j’avais annoncé au père de Franklin que j’étais enceinte, il m’avait vite fait comprendre que cette nouvelle merveilleuse pour moi ne l’était absolument pas pour lui. Courageusement il s’était empressé de plier bagage et de disparaître de notre vie. Je ne l’avais jamais revu. Ni regretté d’ailleurs même si le statut de mère célibataire était parfois lourd à porter. Seule pour déposer Franklin à la crèche, seule pour le récupérer à la maternelle, seule pour l’amener à l’école primaire. Et seule pour tout le reste…

Ensuite, le coup de foudre, je rencontrai Tom. Lui, dévasté, pleurait la mort d’une épouse disparue trop tôt. Malmenés par la vie, on s’était compris au premier regard. Deux âmes soeurs unissant leur solitude et cicatrisant leurs blessures.

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Franklin s’était hissé sur la pointe des pieds pour chatouiller les pieds d’Emma, elle avait ri, ça y est, on était adopté… Une nouvelle vie, une nouvelle famille et une nouvelle école pour Franklin. Trois ans plus tard, Lily était arrivée, consolidant le nid que l’on s’était construit.

– Ouh, ouh, Charlotte… Emma… Lily… Attendez-nous !

Au loin, des voix familières nous parviennent. Trois silhouettes dont une à quatre pattes, courent dans la lumière sanguine de cette fin de journée. Les longs nuages roses, posés bas dans le ciel, filtrent les derniers rayons du soleil et s’admirent dans le miroir de l’eau.

– Trop cool, Franklin est venu! s’époumone Emma, enthousiaste.

– Papa, Buzz… ! s’exclame Lily qui ne veut pas être en reste.

Les filles crient, se bousculent en jouant des coudes, pressées de rejoindre les nouveaux arrivants. Buzz, notre labrador ne sait plus où donner de la tête, court dans tous les sens en lançant des gerbes de sable. Tom a hissé Lily sur ses épaules. Les joues gonflées, perchée tout là-haut, elle fait des petits bonds de cavalière et lui administre de vigoureux coups de talons pour le faire avancer.

– Cours, papa ! Vite, plus vite !

Emma grimpe sur le dos de Franklin, il l’éjecte d’une savante prise de catch. Prise d’un fou rire, elle rit à en perdre haleine. Tom m’enlace et je ressens au fond de moi cette brusque explosion de joie, bonheur extrême qui me donne le sentiment que j’ai accompli la plus belle chose de ma vie, fonder une famille, une vraie famille.

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– Madame Williams, je suis dans l’obligation de vous poser cette question. Saviez-vous que votre mari Tom Williams entretenait une relation avec Naomi Jones depuis plus de trois mois ?

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Gros plan sur un stylo qui trace des mots sur une feuille

Comment est né le thriller à suspense Ensablée ?

« L’idée du thriller s’est imposée après avoir vu une série à suspense sur Netflix. »
– Cécé

Dans cet interview, Cécé revient sur la genèse de son thriller psychologique et les failles intimes de son personnage principal.
Elle partage les coulisses de son écriture et se livre avec sincérité.

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